LA VOIX DES OISEAUX

La peinture fait voyager le destin de Pablito Zago

Pablito Zago, à l’ESC Croix des Oiseaux début décembre. Il nous a notamment dévoilé le message qu’il partageait à travers l’oiseau qu’il dessine souvent.
En ce premier trimestre, découvertes du street art et des bases de journalisme ont rythmé le programme. Nous avons eu la chance de recevoir le street artiste d’Avignon Pablito Zago qui a partagé sa “poésie” colorée sur des murs de nombreuses villes en France et à travers le monde. Il a répondu à toutes nos questions, sur ses passions, le dessin et les voyages, sur ses projets, et s’est même livré à quelques confidences.
Une belle rencontre qui a aussi été l’occasion de s’initier à la prise de vue (photo et vidéo) après une explication sur les différentes échelles de plan et les réglages de base.
A voir bientôt l’interview vidéo réalisée par les collégiens.

Quand avez-vous commencé à dessiner ?
J’ai commencé tout petit, plus jeune que vous. En CM2, je me rappelle avoir dessiné un poster pour l’association sportive de l’école.

Avez-vous étudié pour devenir street artiste ?
J’ai fait des études pour apprendre le dessin, pas le street art pour lequel il n’y a pas vraiment d’école. J’ai commencé à étudier l’histoire de l’art quand j’avais 14-15 ans. Puis, je suis allé dans une école de graphisme et de communication. Là-bas, ça a explosé dans ma tête, car je faisais ce qui me plaisait (photo, vidéo…). Les trois années sont passées très rapidement. Tous les soirs, je rentrais, je dessinais. Je ne sais faire que ça !

Pourquoi avoir choisi le street-art ?
J’ai toujours aimé peindre. A une époque, j’organisais un festival de musique électronique. On invitait de grands artistes du graffiti pour la décoration. Quand j’ai vu d’autres artistes peindre devant moi, j’ai essayé et n’ai jamais arrêté ! D’autre part, le métier que j’ai appris à l’école, graphiste designer, s’exerce dans un bureau, face à un ordinateur. Avec le street art, je suis dehors, je parle avec plein de gens. Et les gens qui ne vont pas dans des galeries d’art, qui n’ont pas d’argent, peuvent quand même voir de l’art tous les jours.

Travaillez-vous seul ?
Généralement, oui. Maintenant, je fais des murs de plus en plus grands. Je prends un assistant, souvent un copain. Un mur de 30 mètres de haut demande beaucoup de travail, dix jours à deux. Je viens d’avoir une commande pour un gymnase à Aix-en-Provence. On sera deux. J’ai l’avantage que mes formes soient
faciles à réaliser. J’ai déjà fait des fresques avec des enfants, des adolescents…

Dans combien de pays avez-vous travaillé ?
Je ne fais pas la différence entre les vacances et le travail. Quand je pars en vacances, je me débrouille pour travailler ! Je viens de partir quinze jours en Espagne, pour mon anniversaire. Je suis allé acheter des bombes et ai peint sur des murs. Avant, je faisais beaucoup de collages, des grands collages. Un collage, je peux l’enlever en quelques secondes, ça disparaît avec la pluie et ça n’abime pas les murs. J’ai jamais trop fait de tag, ou de graffiti “vandale”. Je suis allé en Autriche, en Espagne, en Inde, en Birmanie, aux États-Unis… Je vais aller en Italie. J’ai travaillé dans certains pays parce qu’on m’y a invité. Pour d’autres, je suis parti visiter, et au fil de discussions, des projets sont nés.

Faut-il des autorisations pour peindre dans la rue, sur les immeubles, sur les murs ?
Oui, il faut l’autorisation du propriétaire. Dans la rue, dans les villes, il y a maintenant des endroits où cela est possible. Comme le parking des Italiens, ici à Avignon. Où, à force, la police et la Ville tolèrent.

Justement, y a-t-il des règles tacites entre street artistes au parking des Italiens pour respecter un délai avant de recouvrir une œuvre par une autre ?
Non ! Pendant longtemps, le monde du graffiti, cela a été une sorte de mafia. Il y a avait des règles, de ne pas recouvrir… Aujourd’hui, c’est selon les endroits.

Pourquoi dessinez-vous souvent un oiseau ?
Il a plus de dix ans ! Plein de gens ne savent pas pourquoi je dessine cet oiseau… Il a une histoire, c’est un poème. Il a des bandes et regarde l’avenir. Dans la vie, il se passe plein de choses, parfois difficiles, on en vit tous. Les bandes, c’est comme si quelqu’un nous avait réparés, nous avait soignés. C’est un oiseau blessé qui a été soigné et il regarde vers le futur. C’est poétique. On a beau prendre des coups, l’important, c’est d’avancer.

Photo www.artistikkommando.com/

Avez-vous un musée ?
[Il rit] Non pas encore ! Non, je ne veux pas en faire un. Par contre, il y a un endroit que j’aime, à une vingtaine de kilomètres d’ici. Une maison abandonnée à Sorgues où je suis beaucoup allée pour peindre. Sur tous les murs, il y a mes dessins, si quelqu’un veut faire un musée ! J’aimerais ouvrir une galerie pour montrer le travail d’autres artistes. Je croise les doigts, peut-être à Avignon, dans les mois prochains. On a une association, Le Cartel, spécialisée dans l’art urbain et l’illustration contemporaine.

Pourquoi, sur les vidéos, vous portez souvent un maillot de bain et un tutu ?
Il y a à peu près dix ans, un magazine de graffiti qui avait écrit un long article sur mon travail voulait faire la Une avec moi, et donc une photo de moi pour la couverture. C’est un magazine avec beaucoup de clichés sur le hip-hop. J’ai toujours détesté les étiquettes, dans tout, pour la musique, c’est pareil. Dans le magazine, tous les gars avaient une casquette et les mêmes postures [il mime]. Je voulais un peu me moquer de ça. D’où un déguisement. Ça a beaucoup plu ! J’étais content, cela a provoqué des réactions. Le magazine a reçu plein de messages d’insultes. J’avais envie de provoquer quelque chose… J’ai été interprète de théâtre de rue… Je m’appelle Pablito Zago, et c’est un personnage que j’ai inventé, comme au théâtre. Il porte une combinaison !

Laquelle de vos œuvres est-elle la plus drôle ?
Celle dont je suis le plus content est récente. C’est la montgolfière, à Bagneux, en région parisienne. Parce qu’il y a une histoire. J’aime connaître l’histoire de l’endroit où je vais peindre. Derrière cette fresque, il y a un un quartier fortement marqué par l’immigration dans les années 60, un quartier qui va être détruit. J’ai essayé de raconter quelque chose de particulier. La montgolfière est faite de plein de morceaux. En France, les frères Montgolfier ont inventé cet engin. J’avais entendu qu’ils récupéraient beaucoup de tissus dans les hôpitaux, qu’ils assemblaient. Je me suis dit : que tous les gens qui habitent ce quartier apportent un bout de tissu pour constituer cette montgolfière. Elle est composée de tissus marocains, algériens, africains, des îles…

Photo Pablito Zago

Est- ce que vous donnez des cours de street-art ?
Non, mais j’anime des ateliers. Ou je peux monter des projets avec des jeunes. [Il nous montre un carnet de croquis.] Des dessins, j’en ai plein ! Ça, c’est une affiche qui va sortir la semaine prochaine, ça des dessins sur des murs. Oui, cela m’aide de dessiner sur papier, cela me permet de voir si la composition de l’image est bonne.

Combien de temps cela prend ?
Sur papier, au crayon gris, une heure. Sur un mur, cela dépend de la taille du dessin ! Imaginez, un immeuble de 30m ! Au début j’avais peur… J’ai passé un permis pour conduire des nacelles avec bras télescopique.

Combien avez-vous réalisé d’œuvres?
A Avignon, il n’y en a pas beaucoup. Cela a été une chance, de ne pas travailler dans la ville où j’habite. Cela m’a obligé à aller ailleurs. Pour moi, il y a deux choses importantes dans la vie : avoir à manger pour moi et ma fille et pouvoir partir en voyage.

Vos parents sont-ils artistes?
Non, il n’y a pas trop d’artistes dans ma famille. Mon père travaillait dans une usine. Ma mère vient d’une famille d’agriculteurs. Mais mon frère est guitariste. Ils étaient pas contents au début, mes parents. Ils ont eu peur. Ils ont été contents lorsqu’ils ont vu qu’on gagnait de l’argent avec notre métier. Maintenant, mon père est fier.

Y a -t-il du street art chez vous?
Non pas du tout ! J’ai des tableaux d’autres personnes, que j’achète à des amis. Je n’ai pas non plus de tatouage car je ne pourrais pas voir le même dessin en permanence, cela m’ennuierait.

Quels artistes vous ont inspiré ? Quels sont les artistes que vous aimez ?
Ernest Pignon Ernest, j’aime beaucoup ses œuvres et le fait qu’il n’ai jamais dit “je fais ceci ou cela”. C’est un très grand artiste qui a fait des trucs dans la rue. Hervé Di Rosa est l’un de mes artistes préférés. J’apprécie aussi Hopare, il est très bon en graffiti, Aryz (il vient de la BD, fait du mural), El Mar (un artiste mexicain, il dessine des visages réalistes, c’est magnifique…), et Blu, un Italien qui fait des choses qui ont du sens. Il critique le système, c’est très intéressant. Il a aussi fait des films.

Pourquoi avez-vous choisi ce pseudonyme ?
Pablito Zago est né d’une blague, quand j’étais jeune. Mon vrai nom, c’est Diago. Quand j’étais petit et que j’ai commencé à fumer des cigarettes, le propriétaire du bar où je les achetais s’appelait Zago. Moi, j’étais tout maigre, lui c’était un rugbyman professionnel. Pour se moquer de moi, un copain m’a appelé Zago. Entre Diago et Zago, il y avait juste deux lettres à changer.

Quels sont vos projets ?
Ce matin, par exemple, j’étais dans une crèche au pied du mont Ventoux pour éventuellement réaliser une fresque. Dans mon métier, j’ai beaucoup d’appels, mais après beaucoup de projets ne se font pas. Un hôtel en Italie m’a appelé, où chaque chambre est faite par un artiste différent.
Je crois pas en Dieu mais crois en une sorte de philosophie : je suis ouvert, chacun croit ce qu’il veut. Une église m’a commandé des tableaux qu’on trouve dans les églises, comme un chemin de croix. J’ai un peu peur, la pression. J’ai jamais fait de l'”art divin”, de l’art religieux. Par ailleurs, des gens me commandent des illustrations. Je vais finir mon carnet de voyage sur Arles.
J’espère aller en Mauritanie. J’ai aidé une ONG de médecins et dentistes qui soignent gratuitement en Mauritanie. Dans un camion, ils ont leur salle d’opération. J’avais fait un tableau qui a été vendu aux enchère pour eux.
Autre projet, à Avignon, au lycée Saint-Joseph où j’ai fait mes études histoire de l’art. J’ai revu un copain de l’époque, devenu professeur d’arts plastiques. Il m’a dit : “On voudrait une fresque dans le couloir. Et on aimerait vous commander des toiles pour l’église Saint-Joseph.” Cela fait une boucle dans mon histoire.

Photo souvenir après deux heures d’échanges entre les collégiens et Pablito Zago.