OUVRONS LA FENÊTRE

Jour 29

un jour il s’est agi de prendre la parole


c’était il y a des années


pourtant les mots échappent


et la langue – ma langue maternelle – est étrangère en sa maison


un conte magnifique fut bouée et phare sur la mer


rêverie au centre de l’énigme souffle pour traverser le gué


il racontait l’amour et la langue – l’amour de la langue
je ne voyais pas la route sinon la lumière


écrire trace et évidence


pour ne rien achever qui s’est ouvert je ne sais quand


écrire dans le bercement ou la stridence


cris affolements muets


foulard de soie posé où surgira la voix
au creux de la poitrine
un jour ça se détache


lambeaux fragments copeaux


l’outil flamboie


et ouvre le passage
(…)
tu n’es ni savant ni prophète
tu vas ta vie
portée par le vent de la plaine
tu vas
l’embrasure des roches est un refuge
sous la dent le goût du sel
le coton des images sous la paupière
tu imagines
l’oiseau de Magritte sur les saisons
elles avancent dans le pas du temps
qu’écouteras-tu
la fleur minuscule qui pourpre la couronne d’épine
la lumière nimbant l’olivier
les parures de verre d’un mât
au-delà des ruines
l’embrasement tardif des eaux
après que l’averse a grossi la rivière
après que le pont a lutté
te rassembler sous le vent sera ton pari

 

Simone Molina

In Voile blanche sur fond d’écran

Éditions la Tête à l’envers (2016)