OUVRONS LA FENÊTRE

Jour 43

Je fore

Je creuse.

 

Je fore

Dans le silence

 

Ou plutôt

Dans du silence,

 

Celui qu’en moi

Je fais.

 

Et je fore, je creuse

Vers plus de silence,

 

Vers le grand,

Le total silence en ma vie

 

Où le monde, je l’espère

Me révèlera quelque chose de lui.

 

Je veux entrer

Mais je ne sais

Ni où ni dans quoi.

 

Il semblerait que ce soit là

Où je me confondrais

 

Avec la source de ce

Dont j’ai toujours eu besoin.

 

Mon royaume

C’est du silence

 

Où je ne règne pas,

Je ne régente pas.

 

Je le laisse me posséder.

Je l’aide en cela

Par tout ce qui me crée.

 

Je me baigne en lui

Comme si je le touchais

Par quelque chose en moi

 

Dont je ne connais

Que l’existence

 

Et-ce que de l’immensité

Il assigne à mon désir.

 

C’est le silence

Qui m’apporte, qui me donne

Le souffle du monde.

 

Il me permet

De me connaître en lui

 

A l’écoute

De mon être

Tel que je le pressens.

 

Il m’ouvre une porte

Sur une espace de calme

 

Où s’éclaire la présence

Indispensable.

 

Dans mon royaume

Je sens soudain passer par moi

 

Le constant croisement

De l’espace et du temps.

 

Eugène Guillevic

In Possibles futurs poèmes 1982-1994 

Éditions Gallimard