OUVRONS LA FENÊTRE

Jour 46

Libère-toi de toi
va profond
dans les espaces ténébreux

vers ta lumière
La boue de la soumission
menace-la d’une tempête Habite

sous la coupole de ton silence
Ta nuit a des bassins de lumière
Ta joie à présent
est un vide
Il se creuse inodore

dans ta poitrine
Tes souffles ont fondu
leur flamme Tu l’accompagnes
et elle s’infiltre

par des trous égarés
puis elle trouve une forme
dans la gloire
de tes vagues

(…)

L’eau inaugure le lieu
L’eau, âme libre venant à toi
du moindre obscur

Écoute l’eau
toi
qui passes cette porte

Premier pas
est l’amour
Tous les suivants
gravissent la mémoire
pour saluer les passants

Ici, nul étranger
Tous frères nous sommes
venus glorifier la pureté de l’eau
Ô souveraine
qui veilles à la pureté
n’oublie pas qu’entre tes mains
l’eau fait fleurir l’âme et coule jusqu’à l’infini

Rien ne te sépare de cet air
rien de ce silence

Que je touche une pousse
revient pour moi
à toucher l’étoile

Notre nature est la même
Ici. j’écoute les entrailles qui scandent

Écris le salut
écris l’absence
Si j’étais ici une fois
je serais toujours ici
Les plafonds ne sont pas moins hauts que le ciel
les branches pas plus lentes que l’aile d’une tourterelle
L’escalier qui conduit à ma chambre
mène aussi au théâtre des mots

Scrute cette lumière jaillissant de la pierre
Les coins écartés du jardin se rapprochent les uns des autres
Le courant d’eau les pousse dans la paix de la vasque solitaire

Lente, l’ombre avance
portant nos pas
vers ce que nous ne connaissons pas

Libère-toi de l’allégresse de la fin
Tu es voué à cette marche
d’une âme l’autre
et les revenants ne se rappellent plus qui tu es

Habite la chambre du silence
Comme un sourire retenu
les miroitements reproduisent
des fleurs jamais semblables

Le jardin accueille chaque fois les premiers souffles
A chaque pas
commence
la danse

L’Andalousie n’est pas un vocable
Regarde
ces couleurs de musique
ces traces
d’amants
Ne cherche pas d’autre lieu
Ici
est l’Andalousie de l’eau ton
Andalousie

Le jardin des déserts
recueille
mes amis errants
l’un
après l’autre
Ils sont ici
échangeant des coupes de vin
sans relâche

Les nuits se déversent
sur des pentes descendant
vers les vallées du silence

Mais les amis se réunissent ici
nuit
après nuit
jardin
désert

Mohammed Bennis,

In  Le Don du vide,

Éditions de L’Escampette, 1999.

Traduit de l’arabe par Bernard Noël en collaboration avec l’auteur.

www.escampette-editions.fr/book-author/mohammed-bennis/