OUVRONS LA FENÊTRE

Jour 48

Parole du rêve

Alors que là-haut

Me revenait le rêve

J’étais seul

Oiseau à l’orée de la nuit.

Sans me faire verbe

Il a légué à l’encre ses éléments

Et à mon sang

Un peu de ses forêts et de ses mystères.

J’ai appris comment le vent

Peut devenir un heaume pour ses voyages,

J’ai appris comment laisser dans son viatique

Mon nuage

Les talismans de mon siècle

Et un ciel qui troquait

Les maximes contre les jours.

De ce rêve je ne connais que ces mains

Qui étreignent des arbres

Gorgés d’absence, de peine

Et d’une pluie pourpre

Qui purifie mon chant.

Une nuit s’interpose

Entre cette aube jaillie comme un goéland éclairé

Par l’incendie et moi,

Elle me pare d’une heure incertaine.

La nudité grosse d’effroi est son domaine

Elle me somme de dissimuler

L’exsangue corps du temps alerte.

Entre le mur et moi

Du rêve je déploie le visage

Comme un écran de lointaines contrées.

Quand toutes les orbites se confondent

J’ai encore ta voix qui invente la caravane.

Je vois

Je me vois

Je vois le rêve

Je vois un matin qui regagne son village,

Je vois dans mon âme une forêt d’oiseaux captifs.

J’effleure les confins

Et je les peuple de frontières

La ville se dépouille de ses arbres

Elle émigre à travers les champs gris.

Quelle fontaine fera de moi

Une parure de poussière?

Quel miroir en le brisant me sera une porte

Dans la solitude de la nuit?

Qui, bec et griffes,

Se désaltérera de ma plaie ouverte

Au poignard de l’azur?

Le rêve m’a dit:

– Je tire orgueil

De m’abreuver au bout des cimes.

Le vent est l’enfance d’un chant

Qui ne saurait vieillir.

– Je n’avais soif que de mon eau.

Ma bannière était patrie et exils.

Je la plante dans les terres de l’errance

Et lui fais don de ma nudité

Mais je lui ai choisi la berge

Où traverser mes âges.

Braise je lui ai appris à n’être que braise.

Pour un chant sur ta plaie

Comme cendre incandescente

Pour cette voix recouvrant ta voix diffuse

Pour une banderole qui ne fut que mon feu

Pour un silence qui est visage

Venu hisser les années

Sur la selle de mon attente

Je recueillerai les villages-forêts de l’hier

Ou je me dissoudrai en arbres entre des mains.

Arbres à venir

Sang luxuriant

Entre deux pouces.

Chawki Abdelamir

In Parole du Qarmate

Traduit de l’arabe par Eugène Guillevic et Mohamed Kacimi 

Éditions Arfuyen