ARCHIVESOUVRONS LA FENÊTRE

Jour 55

Cette lumière était espérance de justice :

je ne savais laquelle : la Justice.
La lumière est toujours pareille à la lumière.
Puis elle changea : de lumière, elle se fit aube incertaine,
une aube qui croissait, qui grandissait
sur les champs du Frioul, sur les canaux.
Elle éclairait les journaliers en lutte.
Ainsi l’aube naissante fut une lumière
en dehors de l’éternité du style…
Dans l’histoire, la justice fut conscience
d’une division humaine des richesses,
et l’espérance prit une nouvelle lumière.
(…)

Et maintenant je rentre, riche de ces années
si fraîches que je n’aurais jamais pensé
les retrouver fanées, en mon âme

qui s’en est éloignée, comme il en va pour tout passé.
Je grimpe au long des allées du Janicule, figé
d’un carrefour Liberty à une place plantée d’arbres,

ou à un tronçon de rempart – désormais tout au bout
de la ville face à la plaine onduleuse
qui s’ouvre sur la mer. Et de nouveau, je sens germer

en mon âme inerte et obscure
comme la nuit s’abandonne aux parfums –
une semence désormais trop mûre…

 

Pier Paolo Pasolini
In Poésies 1953-1964 & Les Cendres de Gramsci.
Traduction José Guidi
Éditions Gallimard