OUVRONS LA FENÊTRE

Jour 7 bis

Je n’ai plus de fièvre ce matin. Ma tête est de nouveau claire et vacante, posée comme un rocher sur un verger à ton image. Le vent qui soufflait du Nord hier fait tressaillir par endroits le flanc meurtri des arbres.

Je sens que ce pays te doit une émotivité moins défiante et des yeux autres que ceux à travers lesquels il considérait toutes choses auparavant. Tu es partie mais tu demeures dans l’inflexion des circonstances, puisque lui et moi avons mal. Pour te rassurer dans ma pensée, j’ai rompu avec les visiteurs éventuels, avec les besognes et la contradiction. Je me repose comme tu assures que je dois le faire. Je vais souvent à la montagne dormir. C’est alors qu’avec l’aide d’une nature à présent favo­rable, je m’évade des échardes enfoncées dans ma chair, vieux accidents, âpres tournois.

Pourras-tu accepter contre toi un homme si hale­tant ?

 

René Char

In Lettera amorosa

Éditions Gallimard / collection Poésie

http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Poesie-Gallimard