L’Inachevé de soi (extrait)
Nul n’a ferré les mots à notre cœur
à sa corne
ni clouté notre langue galopant des lèvres au palais
sabot claquant sur l’os
nous avons simplement assisté à un déclin
assisté à cela qui décline sans mot
à un déclin et une douleur
quelque chose de plus inquiet que moi qui me dépasse
halètement anonyme s’essoufflant aussi dans ma poitrine.
La déroute de l’esprit. L’ennoiement de la terre. Et une misère de toute sorte. Mutique ou bavarde. Et bavarde la pire d’ici où je vis. Misère du dedans. Riche et lâche. Des débris de crevettes et de crabes crissent sous les semelles. A force du sel crisse aussi dans les yeux.
Sur le noir de l’écran qui s’éteint titillé de zébrures la nuit
dehors la ville sent la vase et le vin
non, nul n’a ferré les mots à notre cœur minuscule.
L’eau morte des canaux porte le poids du jour et
pue sous le soleil
de cette puanteur le cœur. Lui aussi pourrissant.
Puanteur pour cœur pourrissant quel baiser réveillera nos cœurs au bois dormant ?
Eau emporte la barque et mots l’image. Des deux l’unique partir. Au fil du courant pirogue sans rames.
Simplement le vent. Ou la pensée du vent. Dans sa netteté rêche. Puis la bourrasque fraîche de la sensation.
Le vent se lève comme un livre.
Tu es l’aimé ou l’aimée le corps de mes mains. Et nous nous souvenons de caresses et de plénitude de la peau. Habitée. Bâtie. Fraisée sur le décisif de vivre.
Un horizon profond soudain
sa trouée. Une droite sur un plan d’architecte.
Le vent peut être une lumière. Et par instant nous aussi éclairer.
Claude Ber
Il y a des choses que non
Editions Bruno Doucey 2018