OUVRONS LA FENÊTRE

Jour 16

L’Homme. – Est-ce vous mes amis dont la voix me parvient ?
Comme une aurore qui s’annonce j’entends la voix de mes amis.
Je fais un pas, j’avance. Je tends la main, j’attrape le vent.
Où êtes-vous ?
Non, je suis seul toujours.
Il me semble que ma tête s’enfle et se distend de jour en jour.
Il me semble que ma tête est grosse de tous les vents de l’univers.
Qu’elle se gonfle comme un ventre où bourdonne la vie en bourgeon.
Se prépare l’essaim de la ruche qui gronde !
J’éclaterai comme une graine, je germerai comme le blé.
Ma tête porte des forêts, la marée haute des moissons l’habite.
Ma tête porte l’océan tout pommelé de vagues blanches.
J’éclaterai comme la graine. Ma tête engendre l’horizon.
Elle porte le flot des moissons, l’haleine de l’amour l’habite.
J’accoucherai de mes poissons, et mes oiseaux s’envoleront, ivres de ces torrents qui tournoient sur leurs rives.
J’enfanterai fatalement. J’éclaterai comme éclate en tombant le fruit trop mûr des branches.

 

Marcelle Delpastre

In Poèmes dramatiques II – L’Homme éclaté

Edicions dau chamin de Sent Jaume, 1999