OUVRONS LA FENÊTRE

Jour 26

tragique est la vie
pour moi que rien
ne délivre
du tourment d’exister

parle-moi

parle-moi

arrache
de ma gorge
ces mots
qui m’étouffent

extirpe
cette fatigue
qui stagne
dans les profondeurs
de mon sang

comme tant d’autres
je dérive au sein
d’une humanité
en détresse

***

aide-moi
à traverser
ce gâchis

fais éclater
ce qui me mure

donne des mots
à ce qui en moi
se débat
dans la nuit

***

Quand j’ai faim tout me nourrit
racontait cette chanteuse
dont le nom m’est inconnu

Un visage la pluie l’aboiement
d’un chien  moi aussi
quand j’ai grande faim

musardant par les rues populeuses
dérivant au gré de mon humeur
je m’emplis de tout ce qui s’offre

Des visages des regards un arbre un nuage
la lumière du jour le sourire d’un enfant
tout est absorbé tout me nourrit

***

Ce vent qui heurte
l’olivier
couche ses hautes
branches dans le ciel

qu’il s’engouffre
en toi

emporte
tes brumes

chasse le vieux
savoir

***

février

déjà ici
le printemps
triomphe

jamais
l’élan
ne fléchit

la faim
ne s’apaise

jamais
ne vient
le repos

et comment
vivre

comment aller
du labour aux moissons

comment ne rien détruire
et consentir à la soif

 

Charles Juliet

(extraits) In “Moisson”

Éditions POL