OUVRONS LA FENÊTRE

Jour 41

« Si je n’ai une autre voix… »

Si je n’ai une autre voix qui me dédouble
Ce silence en écho d’autres sons,
C’est parle, parler encore, jusqu’à dévoiler
La parole cachée de ce que je pense

C’est, brisé, la dire entre des détours
De flèche qui elle-même s’envenime,
Ou mer haute coagulée de navires
Où le bras noyé nous fait signe.

C’est forcer vers le fond une racine
Quand la pierre rigoureuse coupe le chemin,
C’est lancer vers le haut tout ce que l’on dit
Car plus arbre est le tronc le plus seul.

Elle dira, parole découverte,
Les dits de l’habitude de vivre :
Cette heurte qui serre et desserre,
Le non voir, le non avoir, le presque être.

(…)

Contre chant

Ici, loin du soleil, que ferai-je de plus
Sinon chanter le souffle qui me chauffe ?
Comme un plaisir fatigué et qui s’engourdit
Ou prisonnier soumis à la loi.

Mais dans ce chant débile il y a une autre voix
Qui tente de se libérer de la sourdine,
Comme rose cristal au fond de la mine
Ou promesse de pain qui vient dans les meules.

Un autre soleil plus ouvert me donnera
Aux accents du chant une autre harmonie,
Et dans l’ombre je dirai que j’annonce
La nappe de lumière par où j’irai.

(…)

 « Car le temps ne s’arrête pas… »

Car le temps ne s’arrête pas, et il n’importe
Que les jours vécus approchent
Le verre d’eau amère placé
Là où la soif de la vie s’exaspère.

Ne comptons pas les jours qui sont passés :
Ce fut aujourd’hui que nous naissons.

Maintenant seulement

 

José Saramago

In Les poèmes possibles

Traduction du portugais par Nicole Siganos

Éditions Jacques Brémond 1998

Un grand merci à Joseph et une pensée toute particulière pour lui, qui m’a envoyé le texte de José Saramago, poème de ce jour 41, parmi tant d’autres encore…